29/08/2019
Petit guide d'auto aïkido mental à l'usage de ceux qui veulent écouter les femmes quand elles parlent de sexisme - partie 4

À force d’essayer d’écouter vraiment, je suis parvenu à quelques prises de conscience. Mais prendre conscience qu’on est un éléphant dans une boutique de porcelaine ne fournit pas instantanément l’adresse nécessaire pour s’intégrer gracieusement et sans casse à son environnement.

Cette dernière partie de mon petit guide d’auto aïkido ne traite plus tant de discipline mentale, que de discipline… tout court. Voici des recommandations pour ne pas reproduire ses exactions habituelles, avec un nouveau regard.

Partie 4 (la dernière) : Gérer les effets secondaires

Dans les parties précédentes, tu as appris comment te préparer a l’écoute, maintenir ton écoute et comment te gérer pendant l’écoute.

À la lecture de ce guide, tu as du apprendre des choses nouvelles, et ce n’est probablement rien en comparaison avec ce que tu es sur le point d’apprendre quand tu mettras en pratique ces gestes d’écoute.

Il y a fort à parier que ces apprentissages vont avoir des conséquences sur ton comportement. C’est souhaitable, même. Mais toutes les conséquences seront-elles positives ? Peut-être pas. Aussi te faudra-t-il faire preuve de prudence.

Voici quelques règles de prudence à suivre.

Être patient

Si de ton côté, tu ressens de l’enthousiasme en explorant ce nouveau terrain d’investigation, comprends que face à toi, le ressenti peut être très différent.

Puisqu’il s’est passé tant d’années avant que tu te mettes enfin à écouter, tu peux imaginer que ton interlocutrice puisse ressentir lassitude, impatience, ou colère, qu’elle profite du fait que tu as enfin ouvert tes oreilles pour exprimer ce qu’elle ressent, et ce ne sera probablement pas agréable à entendre.

Si c’est ce qui arrive, accueille-le comme une nouvelle marque de confiance. Et profites-en pour t’entraîner à écouter.

Ne pas solliciter

Peut-être parviendras-tu également à imaginer que pour une femme, parler de sexisme à un homme, ça peut être risquer de perdre son temps, ça peut-être aussi fatigant, et même potentiellement dangereux.

Alors si tu as la chance d’avoir face à toi une femme qui aborde le sujet, reçois cette conversation comme un cadeau, apprécie ta chance, et ne cache pas ta gratitude.

Autant que possible, évite de solliciter de telles conversations. Si tu ne parviens pas à t’en empêcher, fais-le respectueusement, et prépare-toi à accepter un refus.

À la place, va plutôt écouter ce que bien des femmes ont déjà dit ou écrit. Internet regorge de témoignages sur le sujet, sous forme d’articles, de podcast, ou de vidéos. Il existe aussi une littérature abondante sur la question.

Rester humble

Tel le jeune padawan exalté qui vient de voir son maître Yoda couper une figue molle avec la force (du tranchant de sa cuillère), tu veux faire profiter au monde de tes nouvelles connaissances.

Ça va passer par l’envie de raconter aux femmes ce que tu as compris. Dis-toi qu’elles se sont peut-être penchées sur la question bien avant que tu t’y mettes. Peut-être par la force des choses, et depuis le début de leur vie. Alors abstiens-toi.

Peut-être aussi voudras-tu faire la leçon à d’autres hommes. Mais dis-toi que s’ils n’ont pas eu une épiphanie aussi exaltante que la tienne, c’est qu’ils partaient de moins loin que toi.

Entretenir le doute, encore

Le doute est ton point de départ. C’est aussi ton compagnon de route, pour toujours.

Tu ne pourras jamais savoir si tu as fini ta découverte, s’il ne reste pas encore des pans entiers de prise de conscience que tu n’as pas encore exploré.

C’est comme si tu avançais dans un brouillard épais : tu n’as aucun moyen de voir quelle distance il reste à parcourir, ni même de mesurer la distance déjà parcourue.

Tout ce que tu peux faire, c’est mesurer l’effort que tu as fourni pour arriver là où tu es aujourd’hui.

Plus tu auras fait d’efforts, plus tu auras de raisons de croire que tu n’as plus rien à découvrir, plus tes résistances seront solides, et plus le doute te sera nécessaire pour sortir de tes convictions et progresser plus loin.

Alors chéris ce doute, en relisant ce guide.

Épilogue

Voilà qui achève la première version de ce guide. Une fois de plus, votre expérience m’intéresse : est-ce que ces recommandations fonctionnent pour vous ? Quelles disciplines avez-vous inventées pour votre propre usage ? Avec quelles conséquences ?

Pour ma part, j’ai écrit cette série d’article fin 2018. Le fait d’avoir verbalisé par écrit ces règles de conduite m’a beaucoup aidé à les respecter. Aujourd’hui je continue de suivre cette discipline, certaines tout à fait spontanément, et pour d’autres, ça reste laborieux.

Respecter cette discipline a des conséquences pour moi : la manière dont je perçois le monde change peu a peu, et mon comportement aussi. Je ne suis pas encore décidé à en dire plus publiquement à ce sujet. Mais voilà ce que je peux déjà dire en quelques mots : Ma vie était plus facile avant, mais aujourd’hui, ma relation aux autres s’améliore.

Raphaël Pierquin